La protection cathodique pour les ouvrages en béton armé

Comment préserver un ouvrage en béton armé des dégradations induites par la corrosion ? Nous allons vous présenter les différents types de traitements électrochimiques qu’il est possible de mettre en œuvre.

L’usure du béton armé par corrosion

Les ouvrages en béton armé sont, comme tous les matériaux, soumis à l’usure du temps. La corrosion de l’acier est lente, car les armatures sont naturellement protégées par le manteau que forme le béton. Son pH neutre et alcalin constitue une protection très efficace contre la rouille, par passivation. Mais la rouille trouve toujours son chemin. Perméabilité du béton malgré une faible porosité, poussée au vide, fissuration ou défaut d’étanchéité des joints fragilisent peu à peu la structure. Certains agents extérieurs accélèrent encore l’usure des ouvrages en transformant les propriétés physico-chimiques du béton. Le sel marin en fait partie. L’acier rouillé fissure et fait éclater le béton. Ces fissures accélèrent le phénomène de corrosion. C’est un cercle vicieux qui se poursuit jusqu’à la ruine complète de l’ouvrage. Heureusement, il existe des solutions pour restaurer un ouvrage en béton armé ou prévenir la rouille en amont.

Le patch repair : la restauration traditionnelle du béton carboné

Cette méthode consiste tout simplement à retirer le béton d’enrobage endommagé par zones localisées. Un dégarnissage doit permettre la mise à nu des armatures corrodées, dans toute leur circonférence. En fonction du niveau de carbonatation du béton, le dégarnissage peut être réalisé par burinage, bouchardage ou décapage (thermique ou chimique). La rouille des surfaces métalliques est éliminée par brossage, repiquage ou sablage. Pour redonner à l’ouvrage toute sa capacité structurelle, il est parfois nécessaire de remplacer certaines armatures, ou d’en ajouter en soutien complémentaire.

Une fois la corrosion éliminée, un nouveau béton d’enrobage vient protéger le ferraillage par passivation, grâce à son alcalinité naturelle. Cette technique de réparation traditionnelle du béton armé est efficace, mais a ses limites. Elle implique la destruction reconstruction de l’aspect d’origine du bâtiment, ce qui peut poser problème pour des structures complexes ou des monuments historiques. Aussi, lorsque la dégradation du béton armé est induite par la corrosion du ferraillage, il est possible d’intervenir par la mise en œuvre d’un traitement électrochimique. Celui-ci peut être appliqué sur le béton (réalcalinisation et déchloruration) ou sur l’acier (protection cathodique).

Les différents types de traitements électrochimiques du béton

La corrosion est une réaction chimique, qui peut être combattue par la chimie. Au lieu de détruire pour reconstruire indéfiniment, il est possible d’agir directement sur les propriétés du béton pour restituer au ferraillage son milieu protecteur d’origine. Il existe deux types de traitement électrochimique du béton contre la rouille : la réalcalinisation et la déchloruration.

La réalcalinisation : abaisser le pH du béton pour protéger le fer de la corrosion

La réalcalinisation du béton est encadrée par la norme NF EN 14038-1. C’est un traitement qui s’applique sur un béton carbonaté dont la valeur pH est trop faible. Il vise à restaurer son pH neutre (13) autour des aciers afin de recréer un milieu passif. Cette technique met en œuvre une pâte électrolytique chargée en alcalins, associée à un courant électrique qui favorise une migration de la solution. L’électrolyse de l’eau va également générer des ions, formant autour de l’acier une couche protectrice contre la corrosion. La réussite de la réalcalinisation peut être contrôlée à l’aide de phénolphtaléine, un réactif coloré.

La déchloruration : un traitement adapté à l’atmosphère marine

La déchloruration du béton est encadrée par la norme PR NF EN 14038-2. C’est une méthode dérivée de la réalcalinisation. Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’introduire des alcalins dans le béton, mais des ions hydroxydes. Ils vont permettre l’extraction des chlorures, dues au sel marin ou au sel de déverglaçage. Déchloruration et réalcalinisation peuvent être réalisées simultanément.

La protection cathodique, le traitement électrochimique de l’acier

Les usages de la protection cathodique

La protection cathodique est un traitement complet des aciers contre la corrosion, contrairement aux deux précédentes techniques, qui sont des traitements localisés. La protection cathodique est utilisée pour protéger la coque des bateaux, les pipelines, les réservoirs, les ouvrages en béton armé et bien d’autres types de structures métalliques. Elle induit un renforcement structurel global d’une efficacité redoutable. La protection cathodique permet de lutter contre la corrosion an agissant directement sur les pièces métalliques.

Les mesures garantes d’une bonne protection cathodique sont définies par les normes EN 12 954 (la majorité des ouvrages), EN 14 505 (structures complexes), EN 13636 (réservoirs métalliques enterrés), EN ISO 12473 (structures en mer) ou NF EN ISO 12696 (béton armé).

Comment la protection cathodique protège le métal de la corrosion ?

Pour protéger cathodiquement un matériau métallique, il faut abaisser son potentiel électrochimique en dessous d’un certain seuil (le potentiel de protection). Grâce à cela, la vitesse de corrosion de l’acier sera très faible. Une polarisation de l’armature est nécessaire, à travers la mise en place d’une anode (en parement ou à l’intérieur de l’enrobage). Cette anode sert de déversoir du courant, pour protéger la cathode (la structure de l’ouvrage). La protection cathodique d’un ouvrage en béton armé peut être mise en place selon deux procédés : par courant galvanique (PCCG) ou par courant imposé (PCCI).

Les deux types de protection cathodique

La Protection cathodique par Courant imposé (la PCCI)

Le potentiel électrique de l’armature est abaissé grâce à un courant électrique continu. C’est une installation définitive, qui protège l’ouvrage en béton armé en permanence. Les anodes installées pour ce type de protection cathodique sont généralement des alliages de qualité.

La Protection cathodique par Courant galvanique (La PCCG)

Le principe est similaire, mais la protection par courant galvanique n’est pas une protection continue. Les anodes, dites sacrificielles, sont vouées à être détruites. Elles sont composées de métaux particulièrement électronégatifs (alliages d’aluminium, de magnésium ou de zinc). Le potentiel de l’anode peut ainsi se charger davantage, ce qui permet au potentiel de la cathode de réduire significativement.